Ateliers de traduction (III)
par Serges Carles e Claude Sicre
+ atelier provençal de Roland PECOUT (1) : Oralité et écriture littéraire et journalistique
Lieu : Ecole publique de Laguépie — Avenue de la Gare |
Inscriptions à l’université occitane d’été : http://lengaviva.com/?page_id=26 + information de participation a l’atelier de traduction à [serge.carles@wanadoo.fr] Traduction de l’article de Jean Jaurès à envoyer à S. Carles pour le 5 juillet 2014 ou apporter sur clé ou sur papier |
Lundi 7 Juillet 9h-12h |
Mardi 8 Juillet 9h-12h |
Mercredi 9 Juillet 9h-12h |
Jeudi 10 Juillet 9h-12h |
Vendredi 11 Juillet 9h-12h |
Traduction de l’article de Jean Jaurès : La Dépêche, 15 août 1911 |
(suite) + Chanson : (C. Sicre) Demain, demain |
Atelier provençal de Roland PECOUT (1) : oralité et écriture littéraire et journalistique |
Atelier provençal de Roland PÉCOUT : (suite) |
Atelier de traduction Augmenter nos compétences en occitan avec la littérature et les locuteurs natifs. |
14h30-17h Atelier de traduction Echanges sur Sounder : sous-titrage et édition-diffusion (1h) chanson, suite (2h) |
14h30-17h Atelier de traduction (suite) |
Nous proposons aux participants de l’ateliers traduction à venir à l’ateliers provençal de Roland Pécout pour approfondir sa réflexion sur les questions de l’oralité et de l’écriture littéraire et journalistique qui sont aussi des matières et des ressources pour la traduction.
P. 2 :1. Traduire l’extrait de Jean Jaurès : L’Éducation Populaire et les « patois », La Dépêche » – 15 août 1911 (Article complèt p. 5) P. 3-4 :2. Adaptation de la chanson Demain, Demain, C. SICRE/C.SICRE : Les questions — Texte original et essai d’adaptation. |
I. Traduire l’extrait de l’article de Jean Jaurès :
L’Éducation Populaire et les « patois », La Dépêche » – 15 août 1911
[…] Quelle joie et quelle force pour notre France du Midi si, par une connaissance plus rationnelle et plus réfléchie de sa propre langue et par quelques comparaisons très simples avec le français d’une part, avec l’espagnol et le portugais d’autre part, elle sentait jusque dans son organisme la solidarité profonde de sa vie avec toute la civilisation latine. Dans les quelques jours que j’ai passés à Lisbonne, il m’a semblé plus d’une fois, à entendre dansles rues les vifs propos, les joyeux appels du peuple, à lire les enseignes des boutiques, que je me promenais dans Toulouse, mais dans une Toulouse qui serait restée une capitale, qui n’aurait pas subi, dans sa langue une déchéance historique et qui aurait gardé, sur le fronton de ses édifices, comme à la devanture de ses plus modestes boutiques, aux plus glorieuses comme aux plus humbles enseignes, ses mots d’autrefois, populaires et royaux. De se sentir en communication avec la beauté classique par les œuvres de ses poètes, de se sentir en communication par sa substance même avec les plus nobles langages des peuples latins, le langage de la France méridionale recevra un renouveau de fierté et de vie. Notre languedocien et notre provençal ne sont guère plus que des baies désertées, où ne passe plus le grand commerce du monde ; mais elles ouvrent sur la grande mer des langages et des races latines, sur cette « seigneurie bleue » dont parle le grand poète du Portugal. Il faut apprendre aux enfants la facilité des passages et leur montrer par delà la barre un peu ensablée, toute l’ouverture de l’horizon. C’est de Lisbonne que j’ai écrit ces lignes, au moment de partir pour un assez lointain voyage, où je retrouverai d’ailleurs, de l’autre côté de l’Atlantique, le génie latin en plein épanouissement. C’est de la pointe de l’Europe latine que j’envoie à notre France du Midi cette pensée filiale, cet acte de foi en l’avenir, ce vœu de l’enrichissement de la France totale par une meilleure mise en œuvre des richesses du Midi latin.
Remarque: ceux qui ne veulent pas traduire plus peuvent traduire seulement du début jusqu’à « la plus féconde pour l’esprit »
I. Adaptation de la chanson Demain, Demain, C. SICRE/C.SICRE
L’année dernière, nous avions débattu sur un premier essai d’adaptation de Serge Carles qui ne le satisfaisait pas, sans arriver à un résultat beaucoup plus convaincant et consensuel.
Nous vous proposons de reprendre ce travail cette année en essayant de nous poser toutes les questions qu’il soulève :
— Quelle est la meilleure traduction-adaptation que l’on peut donner de cette chanson en tenant compte non seulement de son thème et de son écriture, mais aussi de sa possible diffusion et de la réalité de la situation de la chanson occitane ?
— Pour quel public ? Dans quelles conditions ? Sur quel support ? Elle visera à faire quoi et où ?
Nous rendrons compte ainsi que la question de l’adaptation pose la question entière de l’occitanisme, de la fonction de la langue, de nos objectifs.
Une des choses qui ne nous satisfait est l’adaptation du refrain :
— la disparition de l’opposition en occitan de demain / aujourd’hui dans le 8e vers, mais aussi la perte de sens et la perte de simplicité de l’image dans le 4e vers avec « s’avalís ».
— La perte de rime avec Tèrra promesa.
Bien sûr tout est à critiquer, tout est à commenter, tout est à réinventer à votre façon.
Claude Sicre
DEMAIN, DEMAIN C. SICRE/C.SICRE
D.R
1.
Lead Demain sera un autre jour Demain tu trouveras l’amour Demain la chance tournera Demain la vie vous sourira Demain on nous dira demain Demain sera toujours demain |
1.
Lead Doman, serà un autre jorn Doman, trobaràs l’amor Doman, la ròda virarà Doman, la vida vos rirà Doman, çò nos diràn doman Doman, serà totjorn doman |
Choeurs
Demain, Demain, Toujours Demain Demain, Demain, Toujours Demain Demain, Demain, Toujours Demain Demain, Demain, Toujours Demain Quand c’est qu’arrivera demain ? Oh qu’ils sont nombreux les demains ! |
Còrs
Doman, Doman, Totjorn Doman Doman, Doman, Totjorn Doman Doman, Doman, Totjorn Doman Doman, Doman, Totjorn Doman Mas quora arribarà doman ? Que n’i a un manat de domans ! [I a tantes e maites domans !] [Ò, n’ i a milanta domans !] |
Repic:
Lead Demain c’est la Terre Promise Demain c’est là le Paradis Demain en demain s’éternise Demain fuit qui le poursuit Demain c’est la Terre Promise Demain c’est là le Paradis Demain en demain s’éternise Demain décourage aujourd’hui |
Repic:
Lead Doman, es la Tèrra Promesa Doman, serà lo Paradís Doman, en doman s’eterniza Doman en doman s’avalís Doman, es la Tèrra Promesa Doman, serà lo Paradís Doman, en doman s’eterniza Doman desespèra qui ne languís. |
Chœur
Demain c’est la Terre Promise Demain c’est là le Paradis Demain en demain s’éternise Demain fuit qui le poursuit Demain c’est la Terre Promise Demain c’est là le Paradis Demain en demain s’éternise Demain décourage aujourd’hui |
Còr
Doman, es la Tèrra Promesa Doman, serà lo Paradís Doman, en doman s’eterniza Doman en doman s’avalís Doman, es la Tèrra Promesa Doman, serà lo Paradís Doman, en doman s’eterniza Doman desespèra qui ne languís. |
2.
Lead Demain j’arrête c’est promis Demain c’est sûr on vous l’a dit Demain ceci, Demain cela Demain Demain j’entends que ça Demain nous disons tous Demain Demain sera toujours Demain |
Lead
Doman, arrèsti mon presic Doman, segur, es pus polit Doman aicí, doman alà Doman, tot, tot, anarà plan Doman, totes disèm Doman Doman serà totjorn Doman |
Choeurs
Demain, Demain, Toujours Demain Demain, Demain, Toujours Demain Demain, Demain, Toujours Demain Demain, Demain, Toujours Demain Quand c’est qu’arrivera demain ? Oh qu’ils sont nombreux les demains ! |
Còrs
Doman, Doman, Totjorn Doman Doman, Doman, Totjorn Doman Doman, Doman, Totjorn Doman Doman, Doman, Totjorn Doman Mas quora arribarà doman ? Que n’i a un manat de domans ! [I a tantes e maites domans !] [Ò, n’ i a milanta domans !] |
Jean Jaurès, L’Éducation Populaire et les « patois »
« La Dépêche » – 15 août 1911
Il y a un an, dans le loisir d’esprit de nos vacances parlementaires, j’avais discuté la thèse de ceux qui croient pouvoir ressusciter en France une civilisation méridionale autonome et faire de la langue et de la littérature du Languedoc et de la France un grand instrument de culture. J’avais établi, je crois, qu’il y a là une grande part de chimère, que la langue et la littérature de la France étaient désormais et seraient de plus en plus pour tous les Français le moyen essentiel de civilisation, qu’au demeurant l’entreprise méridionale n’avait pas le caractère « populaire » et spontané qu’on affectait d’y voir ; qu’elle était pour une large part l’œuvre préméditée de bourgeois cultivés, pénétrés des lettres classiques, et qui avaient retrouvé et ranimé, par érudition autant que par inspiration des sources longtemps endormies ; j’ajouterai qu’au demeurant la création littéraire de ces hommes était souvent raffinée, plus large et virgilienne, mais de forte tradition païenne avec Fourès ; amoureuse, vivante, et passionnée mais de tour et de souvenir hellénique chez Aubanel ; et que seuls ceux qui connaissaient les grands chemins battus du Parnasse et de l’Olympe pouvaient goûter tout le charme de ces sentiers sinueux de la poésie méridionale qui courent en feston le long des grandes routes glorieuses.
Mais je disais aussi avec une force de conviction qui ne fait que s’accroître que ce mouvement du génie méridional pouvait être utilisé pour la culture du peuple du Midi. Pourquoi ne pas profiter de ce que la plupart des enfants de nos écoles connaissent et parlent encore ce que l’on appelle d’un nom grossier « le patois ». Ce ne serait pas négliger le français : ce serait le mieux apprendre, au contraire, que de le comparer familièrement dans son vocabulaire, sa syntaxe, dans ses moyens d’expression, avec le languedocien et le provençal. Ce serait, pour le peuple de la France du Midi, le sujet de l’étude linguistique la plus vivante, la plus familière, la plus féconde pour l’esprit.
Par là serait exercée cette faculté de comparaison et de raisonnement, cette habitude de saisir entre deux objets voisins, les ressemblances et les différences, qui est le fond même de l’intelligence. Par là aussi, le peuple de notre France méridionale connaît un sentiment plus direct, plus intime, plus profond de nos origines latines. Même sans apprendre le latin, ils seraient conduits, par la comparaison systématique du français et du languedocien ou du provençal, à entrevoir, à reconnaître le fonds commun de latinité d’où émanent le dialecte du Nord et le dialecte du Midi. Des siècles d’histoire s’éclaireraient en lui et, penché sur cet abîme, il entendrait le murmure lointain des sources profondes.
Et tout ce qui donne de la profondeur à la vie est un grand bien. Aussi, le sens du mystère qui est pour une grande part le sens de la poésie, s’éveille dans l’âme. Et elle reçoit une double et grandiose leçon de tradition et de révolution, puisqu’elle a, dans cette chose si prodigieuse et si familière à la fois qu’est le langage, la révélation que tout subsiste et que tout se transforme. Le parler de Rome a disparu, mais il demeure jusque dans le patois de nos paysans comme si leurs pauvres chaumières étaient bâties avec les pierres des palais romains.
Du même coup, ce qu’on appelle « le patois », est relevé et comme magnifié. Il serait facile aux éducateurs, aux maîtres de nos écoles de montrer comment, aux XIIe et XIIIe siècles, le dialecte du Midi était un noble langage de courtoisie, de poésie et d’art ; comment il a perdu le gouvernement des esprits par la primauté politique de la France du Nord, mais que de merveilleuses ressources subsistent en lui. Il est un des rameaux de cet arbre magnifique qui couvre de ses feuilles bruissantes l’Europe du soleil, l’Italie, l’Espagne, le Portugal. Quiconque connaîtrait bien notre languedocien et serait averti par quelques exemples de ses particularités phonétiques qui le distinguent de l’italien, de l’espagnol, du catalan, du portugais, serait en état d’apprendre très vite une de ces langues.
Et même si on ne les apprend pas, en effet, c’est un agrandissement d’horizon de sentir cette fraternité du langage avec les peuples latins. Elle est bien plus visible et sensible dans nos dialectes du Midi que dans la langue française, qui est une sœur aussi pour les autres langues latines, mais une sœur un peu déguisée, une sœur « qui a fait le voyage de Paris ». L’Italie, l’Espagne, le Portugal s’animent pour de plus hauts destins, pour de magnifiques conquêtes de civilisation et de liberté. Quelle joie et quelle force pour notre France du Midi si, par une connaissance plus rationnelle et plus réfléchie de sa propre langue et par quelques comparaisons très simples avec le français d’une part, avec l’espagnol et le portugais d’autre part, elle sentait jusque dans son organisme la solidarité profonde de sa vie avec toute la civilisation latine !
Dans les quelques jours que j’ai passés à Lisbonne, il m’a semblé plus d’une fois, à entendre dans les rues les vifs propos, les joyeux appels du peuple, à lire les enseignes des boutiques, que je me promenais dans Toulouse qui serait restée une capitale, qui n’aurait pas subi, dans sa langue une déchéance historique et qui aurait gardé, sur le fronton de ses édifices, comme à la devanture de ses plus modestes boutiques, aux plus glorieuses comme aux plus humbles enseignes, ses mots d’autrefois, populaires et royaux. De se sentir en communication avec la beauté classique par les œuvres de ses poètes, de se sentir en communication par sa substance même avec les plus nobles langues des peuples latins, le langage de la France méridionale recevra un renouveau de fierté et de vie. Notre languedocien et notre provençal ne sont guère plus que des baies désertées, où ne passe plus le grand commerce du monde ; mais elles ouvrent sur la grande mer des langages et des races latines, sur cette « seigneurie bleue » dont parle le grand poète du Portugal.
Il faut apprendre aux enfants la facilité des passages et leur montrer par delà la barre un peu ensablée, toute l’ouverture de l’horizon. J’aimerais bien que les instituteurs, dans leurs Congrès, mettent la question à l’étude.
C’est de Lisbonne que j’ai écrit ces lignes, au moment de partir pour un assez lointain voyage, où je retrouverai d’ailleurs, de l’autre côté de l’Atlantique, le génie latin en plein épanouissement. C’est de la pointe de l’Europe latine que j’envoie à notre France du Midi cette pensée filiale, cet acte de foi en l’avenir, ces vœux de l’enrichissement de la France totale par une meilleure mise en œuvre des richesses du Midi latin.